Reste 1 place.
Twilight Imperium est un étonnant monstre de Frankenstein ludique, une improbable cuisine baroque. Imaginez un jeu de guerre à l’américaine, façon Axes Alliés, avec des pouvoirs à la Dune ou Cosmic Encounter, un système de tour de jeu façon Citadelles ou Puerto Rico, la phase d'assemblée de Warrior Knights, et une bonne dose de cartes action bien méchantes pour faire bon poids.
Le résultat aurait pu être passablement indigeste, comme c’est le cas de quelques expériences de ce genre parues ces dernières années. Ce n’est pourtant pas le cas cette fois-ci, car Twilight Imperium, dont deux éditions moins abouties étaient déjà parues, est un jeu qui a visiblement été conçu et testé avec le plus grand soin, et avec un souci permanent de fluidité et de jouabilité. Parvenir à rendre cohérent, fluide, agréable et (relativement) rapide un jeu de ce volume et de cette ambition était une gageure, et Christian Petersen y est admirablement parvenu dans cette troisième version de l’œuvre de sa vie.
Dans Twilight Imperium, donc, chaque joueur contrôle une puissance désireuse d’étendre son empire à l’ensemble de la galaxie. Chaque peuple – l’université de Jol-Nar, les tribus d’Yssaril, la Communauté de Naalu, les terribles Sardakk N’orr…- dispose de quelques avantages spécifiques pouvant affecter la colonisation, le commerce, la politique, les déplacements, la technologie ou les combats – car il y a tout cela, et même plus, dans Twilight Imperium. Chacun part donc de son systèmes à l’un des six coins de la galaxie et se développe en envoyant ses flottes prendre le contrôle de planètes neutres. Les planètes fournissent les ressources nécessaires à la construction de nouvelles flottes ou au progrès technologique, et l’influence qui permettra de faire triompher ses vues lors du grand conseil galactique. Le système de tour de jeu, principale innovation de cette troisième édition, tient à la fois de Citadelles et de Puerto Rico, avec des personnages – ici appelés « stratégies » - qui jouent dans un ordre déterminé et permettent aux autres joueurs d’effectuer des actions « secondaires » mais souvent critiques. L’initiative permet de jouer en premier, et d’être le premier à choisir sa stratégie au tour suivant, la diplomatie d’interdire à un autre joueur de vous attaquer, la politique de convoquer le conseil galactique pour voter une modification aux règles, et de piocher des cartes action, la logistique de se préparer à des attaques massives aux tours suivants, le commerce d’acquérir des ressources supplémentaires, la guerre de réactiver des troupes que vos adversaires ne pensaient plus menaçantes, la technologie d’acquérir peu à peu des avantages conséquents, comme le canon spatial ou le moteur diesel, tandis que la très demandée stratégie impériale permet tout simplement de marquer deux points de victoire, ce qui est quand même le but du jeu.
Twilight Imperium est un jeu complexe, mais les règles en sont claires et bien structurées, ce qui facilite grandement la première partie, et le matériel est à la fois impressionnant et bien conçu. Dès le second tour, tous les joueurs sont dans le bain et les principaux mécanismes bien intégrés. C’est un jeu riche, où de multiples stratégies peuvent conduire à la victoire. Le progrès technologique à tout crin pour être le premier à construire la redoutable étoile noire, l’accumulation de cartes actions pour intimider les agresseurs potentiels, la production intensive de chair à canon pour noyer l’adversaire sous le nombre, la vitesse et la mobilité pour profiter des moindres ouvertures, toutes ces stratégies peuvent conduire à la victoire.